A l’heure où les états-majors politiques de Martinique choisissent ou ont déjà choisi leurs candidats aux prochaines élections municipales, les notions de projet, de vision, de programme ne sont pas encore à l’ordre du jour. On choisit d’abord les hommes (et les femmes ?) susceptibles de conduire une liste et de susciter l’adhésion du plus grand nombre d’électeurs.

La priorité est donnée aux personnes sur le contenu programmatique. Les réponses aux questions « pour quoi faire ? Comment faire ? Avec qui faire ? … » viendront ensuite. Le programme, le projet, la vision seront rédigés (seul ou en petit comité) et divulgués au cours de la campagne.

Dans ce contexte qui dégage une impression de déjà vu, de déjà entendu, de déjà écrit, de déjà lu, je propose aux partis politiques et aux candidats une piste de réflexion dont l’application pourrait aussi intéresser le monde de l’entreprise.

Les propos qui suivent sont, en partie, inspirés de 2 ouvrages :

- Liberté et Cie de Isaac GETZ et Brian M. CARNEY

- Le pouvoir au-delà du pouvoir de Michel HERVE et Thibaud BRIERE

Imaginons donc que cette campagne électorale puisse être l’occasion de redéfinir les relations entre les citoyens et les élus.

Rappelons que l’enjeu n’est pas de construire le pays des bisounours mais d’écrire, avec le plus grand nombre possible de contributeurs, un calendrier d’une contribution martiniquaise positive au Monde.

Dans le monde du XXIème siècle, l’innovation collective est impérative

Pour apporter notre pierre à l’édification d’un Monde de plus en plus complexe marqué par la mondialisation et l’irruption de TIC dans la quasi-totalité des activités humaines, nous sommes condamnés à l’innovation collective.

La capacité d’une entreprise ou d’une société à favoriser la créativité de ses membres est aujourd’hui un élément déterminant de sa réussite.

Aujourd’hui, la véritable richesse n’est plus essentiellement concrète, elle est surtout abstraite, conceptuelle et immatérielle.

Par exemple, le succès d’Apple s’appuie certes sur le volume de vente des biens matériels (ordinateurs, tablettes, smartphones) mais surtout sur les flux financiers liés aux milliards de téléchargements (immatériels) depuis sa plate-forme ITunes. (Le 7 février 2013, ITunes comptabilisait plus de 25 milliards de téléchargements)

L’Innovation se doit d’être collective parce qu’une décision prise collectivement peut être plus complète, plus complexe qu’une décision prise seul ou à deux.

Par construction, une décision collective peut intégrer davantage de points de vue que ne le peut le point de vue d’un seul homme.

Par ailleurs, une décision prise par un groupe peut inciter à être plus vigilant quant au contenu de la décision qu’à l’identité du décideur.

Pour contribuer positivement à ce Monde en mouvement, pour créer de la valeur économique et de la valeur humaine, nous devons donc décider et innover collectivement en encourageant nos citoyens et nos salariés à faire preuve d’adaptation constante et en les impliquant beaucoup plus en amont dans les prises de décisions.

Et, pour innover collectivement, il nous faut être créatif individuellement.

Pour que chacun de nous puisse exploiter son potentiel de créativité et contribuer à l’émergence d’une valeur ajoutée collective, humaine et économique, dans la cité ou dans l’entreprise, nous devons accepter de remettre en question les relations élus / citoyens et les relations chefs d’entreprise / salariés en désacralisant le pouvoir hiérarchique.

Un collectif égalitaire déhiérarchisé pour faire émerger la créativité et l’innovation.

Un collectif optimal, dans un monde incertain, imprévisible et fluide est celui qui libère l’individu des contraintes hiérarchiques pour faire émerger toute la créativité que chacun porte en lui.

Parce que c’est l’homme libre qui crée. L’homme libre est plus performant que l’homme contraint.

Quand le pouvoir hiérarchique est sacré, les citoyens et les salariés s’interdisent de lui opposer des arguments qui permettraient à tous de progresser.

Quand le pouvoir hiérarchique est sacré, les citoyens et les salariés se réfugient dans des comportements de passivité, de soumission et de désengagement.

C’est en ce sens que le pouvoir hiérarchique est un frein à l’innovation.

Si nous refusons, dans une entreprise ou dans une démocratie, de nous attaquer à la racine qui empêche une vraie remise en question, nous ne parviendrons à générer qu’une innovation marginale. Or, l’enjeu est de créer les conditions d’avènement d’une innovation structurelle.

Ce collectif optimal repose sur l’idée que tout le monde peut devenir créatif, certes à des degrés divers en fonction des talents propres à chacun et des efforts inégaux que chacun fournit.

La créativité, la capacité d’innovation n’est pas innée, elle est culturelle. Elle s’acquiert, elle se travaille, elle s’encourage. Cela ne va pas sans effort et sans volonté.

Cette créativité se nourrit d’autorisations, de confrontations, de contradictions, de remises en question, de permissions, de libre expression.

Cette liberté d’expression ne peut s’épanouir qu’en désacralisant la hiérarchie qui est un obstacle à la remise en question permanente qui doit animer une équipe ou une société tendue vers l’innovation.

Comment désacraliser le pouvoir hiérarchique ? En faisant émerger le médiateur serviteur

Passer d’une démocratie pyramidale qui établit des hiérarchies entre élus et citoyens, entre élus, à une démocratie de médiation où le leader, le chef devient médiateur et se met au service de ses subordonnés est un des défis que nous devons relever pour exprimer sensiblement la contribution de la Martinique au monde.

Tant d’un point de vue humaniste que d’un point de vue économique.

Le collectif optimal dans un contexte mouvant appelle un autre exercice de l’autorité. Il s’agit de passer, dans la relation élus / citoyens ou chef / collaborateurs, d’une autorité de domination à une autorité de responsabilisation, de dissémination du pouvoir, de partage des responsabilités et des décisions.

Dans cette forme de démocratie, qu’il s’agisse du milieu professionnel ou du monde politique, le responsable hiérarchique n’est plus un chef qui charge ses subordonnées de suivre ses directives. Il n’est pas un leader que l’on suit et au service duquel on est, mais un médiateur qui est au service des autres.

Dans cette forme de démocratie, comme dans le domaine du BTP, la priorité est donnée à la base car c’est la base, ce sont les fondations qui sont primordiales et qui déterminent la réussite de l’ensemble à édifier.

Pour la Martinique, dépasser le mythe de l’homme providentiel

En 2013, en Martinique, nous n’avons donc plus besoin de héros charismatique, de surhomme chargé de nous protéger et de nous éclairer comme Papa CESAIRE l’a fait pour nos parents et nos grands-parents.

Nous n’avons pas besoin de Père de la Nation.

Comme le chantait Tina TURNER dans les années 80, we don’t need another hero (nou pas bizwen éro encô)

Nous avons besoins d’animateurs qui favorisent la connexion entre nous Martiniquais d’une part et entre les Martiniquais et le reste du monde d’autre part.

Nous avons besoin de médiateurs qui encouragent des mises en relations inédites de savoirs car face un environnement en constante mutation, être fort et solide ne suffit plus. Il faut, en plus, être agile, créatif et disposer d’une vue polyscopique car les menaces et les opportunités peuvent venir de partout très rapidement.

Nous avons besoin d’organisateurs qui soutiennent et pratiquent un fonctionnement de type « peer-to- peer », de pairs à pairs avec les citoyens, avec les militants, avec les autres élus, avec les salariés et non un fonctionnement de Père à fils comme dans le modèle hiérarchique traditionnel qui inhibe les potentiels.

Les postures médiatiques des responsables politiques (toutes tendances, tous partis, toutes générations confondus) et économiques martiniquais ne me semblent pas indiquer qu’ils soient prêts à opérer la profonde réorganisation de leurs manières de faire et d’être que nécessite cette révolution salvatrice.

Il nous appartiendrait peut-être de les y aider ?

Olivier Ernest JEAN-MARIE – Citoyen Martiniquais – Schoelcher – Le 15 septembre 2013
 

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