Dans un contexte de réduction des ressources financières des collectivités locales et d’intégration systématique de la contrainte environnementale dans la conception des politiques publiques, il devient crucial d’adopter et de développer une culture de l’évaluation des politiques publiques.

1.     L’évaluation des politiques publiques : De quoi s’agit-il ?

 

Il s’agit d’analyser les résultats d’une action publique par rapport aux objectifs qui lui étaient assignés.

Evaluer c’est porter un jugement de valeur sur les politiques publiques mises en œuvre sous l’égide des équipes au pouvoir.

Evaluer l’action publique c’est répondre aux questions :

Qu’est-ce qui a été décidé ? Pourquoi ? Pour atteindre quels objectifs ?

Qu’est-ce qui a été réalisé?

Les résultats visés ont-ils été atteints ?  et

Ya t-il des pistes de progrès ou faut-il réorienter l’action publique ?

L’évaluation des politiques publiques doit mesurer leur pertinence, leur efficacité en croisant les points de vue des parties concernées : les élus, les services administratifs, les partenaires, les associations et, bien sûr, les citoyens.

Le volet participatif est un point clé de l’évaluation : associer les habitants et les usagers à l’élaboration du diagnostic, à la rédaction des préconisations, et à la conduite de l’évaluation sont autant d’occasions de contact pour associer expertise d’usage des habitants, compétences des services administratifs, légitimité des élus et vigilance des experts.

2.     Une double révolution : humanité des élus et transparence requise

 

Cette nouvelle pratique donne lieu à une double révolution : une évaluation met forcément en évidence des réussites, des difficultés, des tensions et des échecs qui doivent être analysés au regard d’une volonté politique et de choix politiques.

La première révolution est l’affaiblissement du mythe de l’Elu-Dieu -Magicien-Super Héros : Eh oui ! Les élu-e-s sont des êtres humains susceptibles de retenir, s’ils ne sont pas accompagnés, de mauvaises options.

Ce sont des êtres humains soumis à l’erreur, à la maladresse et … aussi capables de génie.

La deuxième révolution est la nécessaire clarification de l’action politique avec l’application du principe de transparence à tous les étages.

Quand prévaut la culture de l’évaluation, la séquence « conception – mise en œuvre – évaluation » des politiques publiques, invite automatiquement à poser la question du sens des décisions politiques dès la conception puis tout au long du processus.

Dès la conception de la politique publique, il faut déjà clarifier les objectifs, fournir des unités de mesure, des critères qualitatifs et quantitatifs qui pourront apprécier l’état d’avancement des opérations comparé aux objectifs initiaux.

A une époque où :

-          les citoyens demandent plus de transparence, plus de concertation, plus de participation,

-          la complexité des problématiques nécessite un croisement des regards et des expertises (citoyens-usagers, élus, experts, services des collectivités, partenaires, …)

-          les ressources financières se raréfient et que la contribution financière du citoyen contribuable sera sollicitée à la hausse,

la culture de l’évaluation met en débat l’action publique.

Les responsables politiques se donnent ainsi les moyens de défendre ou d’amender les politiques publiques en reconsidérant les calendriers, les moyens et les actions mis en œuvre.

 

3.     L’évaluation : une fausse évidence

 

Les lignes précédentes pourraient relever de l’évidence, du truisme.

Cependant si cette culture de l’évaluation avait imprégné la conception  et la construction d’ouvrages mobilisant des financements publics lourds (port de Grand Rivière, appontements, marché du Marigot, chantiers du TCSP, Lycée Schoelcher,…) au cours des dernières années, nous, citoyens-usagers, nous aurions eu une perception  plus claire des enjeux et de l’usage des fonds publics.

Si cette culture de l’évaluation avait imprégné la construction de la Collectivité Territoriale de Martinique, nous n’assisterions pas à ce triste spectacle d’élus se précipitant, 6 mois avant les élections des 6 et 13 décembre 2015, au-devant de la population  pour essayer de lui expliquer  le comment et le pourquoi d’un mode de scrutin opaque et d’une organisation publique  inédite en Martinique.

Des élus se précipitant au-devant des électeurs de peur d’avoir à affronter une abstention massive liée à l’opacité des modalités et des enjeux du scrutin.

Si la population martiniquaise a donné son accord de principe pour créer une nouvelle collectivité le 24 janvier 2010, elle n’a reçu aucune explication quant aux raisons du choix du mode de scrutin retenu et quant aux motivations du choix de l’organisation  de la Collectivité Territoriale de Martinique.

La population Martiniquaise n’a bien sûr pas été consultée.

Les 3  questions qui suivent sont par exemple sans réponse à ce jour :

    1 – Pourquoi ne pas affecter un nombre fixe de sièges par section par exemple comme en Guyane dans le cadre de la mise en place de la future Collectivité Territoriale de Guyane ?

http://www.guyane.pref.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Collectivites-locales/La-Collectivite-Territoriale-de-Guyane/Election-des-conseillers-a-l-assemblee-de-Guyane-Quel-mode-de-scrutin

En Guyane, le nombre de candidats par section correspond exactement au nombre de sièges affectés à cette section.

Par exemple, la Guyane, circonscription unique, est composée de 8 sections électorales.

La commune de Cayenne est une section électorale.

Les listes candidates devront présenter une liste de 12 candidats pour la section de Cayenne.

12 élus de Cayenne siégeront assurément à l’Assemblé de Guyane, toutes listes confondues.

La Martinique, circonscription unique, est composée de 4 sections électorales.

Fort-De-France est une section électorale.

Les listes candidates devront présenter une liste de 15 candidats pour la section de Fort-De-France.

Compte tenu du mode de scrutin choisi, il est impossible de savoir combien d’élus de Fort-de-France (toutes listes confondues) siégeront à l’assemblée de Martinique.

Il n’existe pas de mode de scrutin parfait, mais pourquoi avoir choisi cette usine à gaz qui peut produire des résultats très éloignés des objectifs de représentativité des territoires ?

    2 – Pourquoi ce choix articulé autour d’un conseil exécutif et d’une assemblée et non pas l’option commission permanente / assemblée, organisation déjà connue ici et retenue par la Guyane pour la future Collectivité Territoriale de Guyane ?
 

    3 – Comment l’efficacité, l’efficience, la cohérence des politiques publiques, objectifs majeurs de ce changement institutionnel, seront mesurées? Dans quel délai ?
 

Ces 3 thématiques publiques (choix du mode de scrutin, choix de l’organisation de la Collectivité territoriale de Martinique, Impact de la création de cette nouvelle collectivité) auraient pu faire l’objet d’une démarche évaluative partagée pour le plus grand bien de la démocratie martiniquaise.

Pour la future Collectivité Territoriale de Martinique, pour tous les autres acteurs publics, l’évaluation sincère et transparente des politiques publiques est une aide à la décision pour les élus, un élément de dialogue avec les citoyens, un vecteur de changement dans les services administratifs.

L’évaluation des politiques publiques est un outil, parmi d’autres, qui permet que la démocratie devienne l’affaire de tous.

Le 09 juin 2015

Nathalie JOS et Olivier JEAN-MARIE

Animateurs de « Martinique Citoyenne

 

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