Monsieur le Président,

Dans le cadre de l’élaboration du Plan d’Actions pour le Développement de la Martinique, j’ai été invité, comme des dizaines d’autres personnes, à participer à des ateliers de travail.

Ce fut l’occasion pour moi de prendre connaissance de votre note de cadrage et du dossier de présentation qui exposent l’articulation entre les objectifs, les thématiques et les rythmes de votre proposition.

Comme cette démarche veut rester « ouverte aux fécondations des débats et de la réflexion », je me permets, en tant que citoyen martiniquais, de vous présenter quelques suggestions et remarques.

1. Partagez votre vision au plus vite avec les citoyens martiniquais

Je vous propose, alors que les premiers ateliers prospectifs sont déjà planifiés, de partager sans délais votre vision de la Martinique qui figure dans votre note de cadrage afin de la mettre en débat et de susciter l’échange avec le plus grand nombre, tout du moins, avec ceux qui souhaiteraient le faire.

La légitimité d’une mesure ou d’un projet provient de moins en moins de la légitimité de l’organe responsable mais de plus en plus de celle du processus décisionnel. Plus tôt vous impliquerez les Martiniquais et plus vite ils s’approprieront la vision qu’ils enrichiront et les actions qui en découleront.

A titre d’exemple, après lecture des documents de travail, je propose que, dans la thématique « Martinique plus responsable », il soit créé un atelier prospectif qui pourrait s’intituler « Responsabilité individuelle et engagement citoyen ».

Il me semble que pour « Jeter les bases d’une transformation profonde de la Martinique pour son adaptation aux économies nouvelles et aux mutations du monde », nous ne pouvons pas faire l’économie de réflexions et de propositions visant à favoriser une profonde transformation personnelle des élus et des citoyens Martiniquais.

2. La vision d’un citoyen

Ma vision de la Martinique, la vision d’un citoyen parmi d’autres, s’articule autour de 6 niveaux logiques. La confrontation des visions est organisée à chacun des 6 étages.

Selon cette méthodologie, le plan d’actions est l’aboutissement de la démarche de construction de la vision.

Cette vision n’a pas vocation à être exhaustive. J’invite le plus grand nombre de citoyens martiniquais à verser au débat leur propre vision.

2.1. La vocation de la Martinique, sa contribution au Monde

A quoi, à qui la Martinique est-elle utile ? Pour moi, une belle Martinique serait une Martinique utile à notre Terre Patrie et à l’humanité.

Une Martinique contributive aux changements que l’humanité doit accomplir pour réduire la pression que l’homme exerce sur la planète et préserver l’avenir des générations à venir.

Une Martinique qui contribuerait à faire renaître la démocratie en mettant une très grande partie de ses citoyens en capacité de peser sur les décisions qui les concernent.

Une Martinique qui montrerait que la fertilisation de l’intelligence collective par l’autonomie individuelle est à la portée de l’humanité.

Une Martinique fraternelle délestée des pesanteurs économiques, politiques et psychologiques du passé colonial et esclavagiste.

2.2. L’ambition de la Martinique dans le Monde

Placer la Martinique en 2030 dans le peloton de tête de pays les plus innovants de la planète.

2.3. Les valeurs qui devraient servir de socle à la vie de notre pays

• Organisationnelles :

o L’international : le monde est notre terrain de jeu,

o Une autonomie politique constitutionnalisée,

• Culturelles, :

o La solidarité, le partage, l’entraide,

o La résistance, le courage, la persévérance, la confiance en soi,

• Ethiques :

o La bienveillance,

o La vérité,

o La justice,

o Le respect de l’autre,

o La liberté,

o La beauté,

o L’amour.

2.4. Les principes de gestion des institutions qui pilotent notre territoire

• La participation

• La transparence

• L’autonomie des collaborateurs

2.5. Les priorités stratégiques pour la Martinique

• Le développement personnel des citoyens martiniquais

• L’apprentissage de la co-élaboration, de la co-construction

• La fabrique du désir de citoyenneté

• L’économie numérique

• L’économie culturelle

• L’agriculture biologique

• … 2.6. Le plan d’actions à décliner pour accomplir cette vision  

A co-construire dans le cadre d’un conseil participatif.

3. Co-produire la vision avec les citoyens et la nommer après

Dans un texte publié le 28 mai dernier (http://www.oejm.net/actualite/martinique-solide-le-debat-est-il-encore-ouvert/) j’ai indiqué que la dénomination « Martinique Solide », dans son acception française, ne me paraît pas être la plus heureuse pour illustrer une démarche visant à penser et construire la Martinique de demain.

Cette notion de solidité ne me semble pas être celle qui nous permettra de tirer le meilleur parti de la complexité du monde moderne et de son accélération. Solide rime avec rigide.

Nous avons surtout besoin d’agilité, d’ouverture, de vigilance, de souplesse, de créativité, d’adaptabilité.

Par ailleurs, choisir un qualificatif dont les acceptions française et créole, telles que vous les décrivez, telles que notre génération les perçoit, sont différentes (grande résistance en français et performance, intelligence, excellence en créole) ne me semble pas favoriser le partage avec toutes les générations de Martiniquais.

Je vous suggère de mettre en débat la dénomination de cette démarche que vous impulsez. Je propose que, pour commencer, vous l’intituliez « Vision Martinique » et que le nom définitif de cet exercice soit attribué une fois que le compromis le plus large aura été finalisé à partir des thématiques, des objectifs que vous proposez et ceux issus des interactivités avec les citoyens et les experts de Martinique.

4. L’absence de vision partagée avec les citoyens : cause de la faiblesse opérationnelle du SMDE et de l’Agenda 21 ?

Les volets opérationnels du SMDE et de l’Agenda 21 nous ont laissés sur notre faim. Je partage donc avec vous la nécessité de mettre l’accent sur l’action.

Mais les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets.

Je vous livre mon analyse : si très peu d’actions décrites dans ces 2 documents de qualité ont été concrétisées, c’est peut-être parce qu’elles n’étaient pas le fruit d’une vision partagée par le plus grand nombre de citoyens.

Comme vos équipes le font actuellement, les équipes du Conseil Général de l’époque, les équipes du Conseil Régional de l’époque ont invité des personnes ressources, des experts, des consultants pour produire de beaux catalogues d’actions (SMDE et Agenda 21). Avec l’absence de résultats opérationnels que nous connaissons.

Si notre démarche de vision (j’écris « notre » parce que je me l’approprie et j’invite le plus grand nombre de citoyens martiniquais à en faire de même) n’est pas conçue, dans son processus opérationnel, pour que les citoyens deviennent auteurs de sa conception et acteurs de sa mise en œuvre, elle risque de connaître le même sort que les expériences précédentes.

Beaucoup de temps, d’énergie, d’argent dépensés sans autres résultats qu’un beau catalogue, la frustration des participants et la déception des citoyens qui vous ont accordé leur confiance.

Je comprends les opportunités financières à saisir et les contraintes de calendrier qui y sont associées (Mobilisation des fonds européens 2014-2020 à optimiser avant la fin 2013)

J’ai bien noté qu’il est prévu, après les ateliers prospectifs, dans chaque commune des forums citoyens et la création d’un forum numérique.

Vu les informations dont je dispose et la compréhension du déroulement opérationnel de l’opération PADM, ces forums pourraient se transformer en simples réunions et espaces d’information.

5. Un conseil participatif pour le projet PADM  

Pour conserver l’ambition de rassembler les Martiniquais autour d’une action collective, pour ne pas limiter l’ambition démocratique à l’information, je vous soumets la suggestion de la création d’un conseil participatif.

La création de ce conseil participatif serait précédée de débats-forums avec la population qui initieraient le parcours collaboratif.

Lors de ces débats –forums, vous exposeriez votre vision qui aurait été publiée préalablement sur les réseaux sociaux, éditée et expédiée dans tous les foyers de Martinique comme l’est la lettre d’information de la Région.

Ce conseil participatif serait composé de 200 membres répartis en 3 collèges ayant des effectifs équivalents :

• Des élus du Conseil Régional, du Conseil Général, de la CACEM, de la CAESM, de la CCNM et leurs collaborateurs ;

• Des partenaires institutionnels et associatifs ;

• Et, des citoyens

o volontaires, et

o tirés au sort (la répartition 2/3 de volontaires et 1/3 de tirés au sort pourrait être l’objectif)

Ce conseil participatif serait chargé d’encadrer et d’alimenter la réflexion sur la vision, les débats, la concertation, les séances de co-production préparant à la décision politique qui dans un contexte de construction de la collectivité unique devrait être partagée par la Région et le Département

Ce conseil participatif veillerait à ce que le cheminement de ses membres soit régulièrement partagé avec le reste de la population par les outils numériques et par des réunions physiques au cours desquelles les citoyens pourraient interroger, interpeller, critiquer le travail réalisé par le conseil participatif.

Ces moments sensibles et délicats à gérer pourraient aussi être des opportunités d’élargissement et d’approfondissement du débat.

Parce que, le 21 mars 2010, au soir du 2ème tour des dernières élections régionales, vous affirmiez fort justement que le peuple martiniquais avait « fait un choix clair en faveur d’une conception moderne de la démocratie » (https://www.youtube.com/watch?v=72ulg7qU4rA) je suis convaincu que vous saurez intégrer ces remarques, ces suggestions bienveillantes et constructives à votre réflexion et à votre action.

Olivier Ernest JEAN-MARIE – Citoyen Martiniquais – Schoelcher – Le 12 juin 2013
 

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