A quelques mois de l’élection de l’Assemblée de Martinique, je vous propose de faire un point sur les modes de financement de ce type de campagne électorale en analysant les données disponibles pour l’élection de 2015.

Toutes les données présentées ici sont publiques et proviennent de la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques (CNCCFP).

Tout d’abord, apportons quelques précisions concernant le financement des campagnes électorales :

1. Un compte de campagne par candidat distinct du compte des partis politiques

L’Etat et la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques  (CNCCFP) séparent le financement des partis de celui des campagnes. Pour la CNCCFP, c’est le candidat, et non le parti, qui est financièrement responsable.

La CNCCFP est une autorité administrative indépendante composée de 9 membres (3 du Conseil d’Etat, 3 de la Cour de Cassation et 3 de la Cour des Comptes) qui contrôle les comptes des candidats et arrête le montant du remboursement de l’Etat. Le compte de campagne peut être rejeté par la CNCCFP. Dans ce cas le candidat ne peut prétendre à aucun remboursement et risque d’être déclaré inéligible par le juge de l’élection saisi par la CNCCFP.

Chaque candidat est tenu d’établir un compte de campagne retraçant l’origine des recettes et la nature des dépenses.

2. Un financement privé limité

Les personnes physiques – contrairement aux entreprises et aux associations – sont autorisées à participer à la campagne des candidats via des dons. Mais ceux-ci sont strictement encadrés par la loi. Chaque personne ne peut donner plus de 4 600 euros (tous candidats confondus) sur toute la durée de la campagne et tout don supérieur à 150 euros doit être versé par chèque. Le don des personnes physiques à la campagne d’un candidat génère pour leur auteur à une réduction fiscale de plus de 66%. Quand un particulier donne 100 € à un candidat, il retranche 66 € du montant des impôts sur le revenu qu’il paiera.

Les apports personnels du candidat et de ses colistiers ne sont pas limités. Le candidat peut effectuer des versements sur son compte de campagne sur ses propres deniers ou après avoir obtenu un prêt d’un établissement bancaire ou d’un parti politique.

Les entreprises et les associations ne peuvent pas financer une campagne électorale. Par ailleurs, depuis 1988, les dons et avantages en nature d’entreprises et d’associations aux candidats sont interdits.

Les partis politiques, eux, sont autorisés à financer les campagnes électorales de candidats sous formes de don ou de prêt.

3. Un remboursement sous conditions

L’Etat rembourse une partie des frais liés à la campagne en fonction du résultat obtenu par le candidat, si le compte de campagne a été validé par la CNCCFP.

Si tout est régulier et que le candidat a obtenu 5 % des voix ou plus, l’Etat prend en charge au maximum 47.5% du montant du plafond des dépenses électorales.

Afin de renforcer l’égalité des candidats, un plafond de dépenses établi sur la base de la population du territoire concerné par l’élection est fixé. Ce plafond définit le montant maximum de dépenses qu’un candidat peut engager. S’il dépasse ce montant, le candidat perd tout remboursement et doit verser au Trésor Public une somme égale au montant du dépassement constaté.

En 2015, pour l’élection de l’Assemblée de Martinique, ce plafond était de 164 603 €.

Analyse des comptes de campagnes des candidats qualifiés pour le 2ème tour en 2015 en Martinique

Résultats du 1er tour de l’élection de l’Assemblée de Martinique – 6 décembre 2015

 

Selon les montants retenus par la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques (CNCCFP), voici le montant des dépenses des 3 candidats admis au 2ème tour en 2015 (Candidats ayant recueilli plus de 10% des suffrages exprimés)

Bien qu’ils aient opéré une fusion entre leur deux listes, Alfred Marie-Jeanne et Yan Monplaisir ont chacun présenté leur compte de campagne à la CNCCFP.

La fusion de listes n’implique pas la fusion des comptes de campagne.

Alfred Marie-Jeanne (161 255 €) et Yan Monplaisir (140 421 €) sont les candidats qui ont dépensé le plus en 2015 et qui ont engrangé le plus de recettes.

La structure des recettes des trois candidats qualifiés pour le 2ème tour varie considérablement.

En 2015, la campagne de la liste conduite par Alfred Marie-Jeanne a été financée principalement par l’apport de partis politiques (81%) disposant à l’époque de financements publics (Le MIM, Le PALIMA, le RDM, …).

En 2020 l’équipe d’Alfred Marie-Jeanne n’a plus accès au trésor de guerre accumulé dans les caisses de l’association du MIM dissoute en novembre 2019. Entre 150 000 € et 200 000 € affectés au paiement de l’administrateur judiciaire, au règlement des fournisseurs et aux versements au profit d’associations martiniquaises bénéficiaire de la liquidation de l’association du MIM.

Le PALIMA n’a reçu aucun financement public depuis 2018, malgré la candidature de Francis Carole aux législatives 2017 à Fort-de-France.

Les finances du RDM de Claude Lise sont au plus bas et il n’est pas dit que le président de l’Assemblée se range aux côtés d’Alfred Marie-Jeanne si ce dernier confirme sa candidature en mars 2021.

En mars 2021, à la deuxième élection de l’Assemblée de Martinique, comment l’équipe d’Alfred Marie-Jeanne financera-t-elle sa campagne électorale ?

Yan Monplaisir a financé sa campagne principalement par un apport personnel (96%) financé par un prêt bancaire (100 000 €) et l’apport de colistiers.

Serge Letchimy, lui, a choisi un financement mixte en s’appuyant principalement sur un apport personnel (65%) (prêt du PPM accordé au candidat pour un montant de 68 000 € et apport de colistiers) et des dons de personnes physiques (28%).

Dans un contexte de crises économique et sociale consécutives à la crise sanitaire de la COVID-19, il probable que le montant des dons de personnes physiques sera faible et que les candidats en Mars 2021 s’appuieront essentiellement sur la contribution des partis politiques de Martinique qui perçoivent, directement ou indirectement, des financements publics (PPM et Péyi-A) et sur leur apport personnel.

Olivier Ernest JEAN-MARIE

oejm@oejm.net

le 27 juillet 2020

 

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