Je livre ici ma perception d’un fait important de l’actualité politique martiniquaise. ll ne s’agit bien sûr que du point vue du simple habitant de Martinique que je suis.

Jean-Philippe NILOR annonce au micro de Cédric CATAN de RCI son départ du Mouvement Indépendantiste Martiniquais ce lundi 3 septembre 2018.

Le député de la circonscription du Sud de la Martinique annonce la création d’un mouvement ou d’un parti politique qui ne sera pas simplement la 27ème formation politique de l’île. Il souhaite que cette démission soit le déclic d’une recomposition du paysage politique martiniquais. Il insiste sur le décider et le faire ensemble qui doivent remplacer les pratiques de centralisation du pouvoir de nos – trop – nombreux « hommes providentiels ». Cela fait plusieurs mois que j’entends Jean-Philippe NILOR se prononcer,comme d’autres responsables politiques comme Marcellin NADEAU, pour un exercice partagé du pouvoir et des responsabilités.

Je trouve ces propos dignes d’intérêt. « Pawol an bouch pa chaj » dit notre sagesse populaire. C’est vrai ! Pourtant, cela ne diminue pas pour autant mon intérêt pour les prochains actes que poseront Jean-Philippe NILOR et ses associés qui, je l’espère, confirmeront cette volonté de l’ex-porte-parole du MIM de marquer une rupture véritable avec les organisations et les institutions politiques pyramidales.

Je suis profondément convaincu, avec de plus en plus d’observateurs, que dans ce monde VICA (Volatil, Incertain, Complexe et Ambigu) le changement de structure de nos organisations et de nos collectifs (entreprises, associations, syndicats, institutions, administrations, …) est impératif. Sortir de l’organisation pyramidale pour embrasser des formes d’organisation décentralisée est capital.

Sortir d’une organisation dessinée à l’ère industrielle basée sur

• l’automatisation des tâches,

• une innovation sporadique,

• le contrôle et la terreur, (la domination)

• la récompense et la punition, (la carotte et le bâton)

pour se diriger vers une organisation du 21ème siècle

• utilisant les ressources des technologies digitales,

• pratiquant une innovation constante et une optimisation continue

• carburant à la créativité des acteurs,

• encourageant et se nourrissant de rapports de coopération

est un des défis que devra relever l’organisation politique animée par Jean-Philippe NILOR et ses associés ainsi que les institutions pilotées par eux.

Pourquoi ? pour (re)générer de l’engagement pour l’intérêt général dans la population martiniquaise.

Le bénévolat est aujourd’hui un des ciments de la société martiniquaise. Des milliers d’éducateurs, de militants culturels, politiques, sportifs, sociaux permettent aujourd’hui de maintenir notre communauté en équilibre. Equilibre très précaire mais relativement stable.

Cependant, les rangs des militants des partis politiques, des syndicats, des associations se vident, certaines organisations ne survivent que grâce à l’hyperactivité militante de vaillants retraités et les taux d’abstention aux élections battent tous les records. (74% lors du premier tour des législatives de 2017 en Martinique)

L’héroïsme de ces bénévoles ne doit pas masquer ce que je perçois comme une progression du fatalisme et du défaitisme quant à nos capacités individuelles et collectives à relever les défis d’une belle vie. Une belle vie qui entretient avec le réel une relation de transformation possible et non de soumission. Une belle vie qui se nourrit de la construction collective au détriment du triomphe de l’individualisme. Une belle vie qui cultive « an lanmin ka lavé lot » plutôt que « bèf douvan bwè dlo klè ».

Pour (re)générer de l’engagement pour l’intérêt général, pour le bien public, j’ai l’impression que la formation politique de Jean-Philippe NILOR et de ses associés pourrait se fixer comme objectifs :

- d’attirer de nouveaux profils,

- de redonner confiance aux déçus de l’action collective,

- de développer les talents déjà présents

- de fidéliser les membres de l’équipe dans le temps.

Cela pourrait être valable pour cette nouvelle organisation elle-même ET pour la Martinique dans son ensemble qui perd chaque année plus de 4.000 jeunes à qui nous devons certes fournir les conditions économiques du retour et surtout l’envie et la motivation de contribuer à une aventure collective fondée sur le sens et la confiance.

Atteindre ces objectifs nécessite plus que l’éloquence. Générer de l’adhésion suppose la mise en œuvre d’outils technologiques et organisationnels. Sans cesse penser, dire, faire, évaluer, penser, corriger, faire, … faire,…

Susciter l’engagement nécessite surtout un changement profond de « mindset », d’état d’esprit, et de façons de faire aux niveaux individuel et collectif. Le morne est haut mais le chemin est balisé.

Frantz FANON au beau milieu du 20ème siècle écrivait « Je ne suis pas prisonnier de l’Histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée. Je dois me rappeler à tout instant que le véritable saut consiste à introduire l’invention dans l’existence »

Alors Jean-Philippe, d’où je parle aujourd’hui, où je te vois, avec les responsabilités qui sont les tiennes maintenant, je ne te perçois ni comme un berger, ni comme un surhomme, mais comme un animateur. Un parmi d’autres. Le simple habitant de Martinique que je suis espère aujourd’hui que, toi aussi, avec d’autres, tu nous accompagnes sincèrement dans un véritable saut, sur le chemin de l’invention d’une Martinique collaborative et positive.

Olivier Ernest JEAN-MARIE

Habitant de Martinique

Le 6 septembre 2018

 

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